" Le chemin de fer de Poitiers à Limoges traverse la petite ville de Lussac-les-Châteaux. Sur les plans parcellaires qui ont été soumis à l'enquête du titre II de la loi du 3 mai 1841, la compagnie a projeté un passage inférieur et un passage à niveau aux points kilométriques 30,508 et 36,673 qui ne sont distants que de 165 m, et proposé la suppression d'une voie intermédiaire qui conduit de Lussac dans le quartier du château. Ce projet, ainsi porté à la connaissance de tous les intéressés, a été approuvé par la commission d'enquête et sanctionné par une décision ministérielle du 24 janvier 1866.
Néanmoins, M. le maire de Lussac, dans une séance de son conseil municipal du 4 février 1866, " a porté à la connaissance du Conseil que la Compagnie d'Orléans, concessionnaire de la ligne de Poitiers à Limoges, dans son projet adopté, supprimait dans la traversée de Lussac, sans la remplacer, la rue qui de Lussac conduit au quartier du château, et en se déviant conduit à l'abreuvoir de la ville ".
Le Conseil après en avoir délibéré demande que la rue soir conservée à l'aide d'un passage supérieur.
Avis des ingénieurs de la Compagnie
MM. les ingénieurs de la Compagnie d'Orléans, consultés sur cette affaire, ont produit un plan de traverse du quartier du château, à l'échelle de deux millimètres par mètre et sur une autre feuille les profils en long du chemin de fer de la rue interceptée, de la rue actuelle du lavoir et de la rue du lavoir rectifiée suivant les projets de la compagnie.
Dans leurs rapports, ces ingénieurs font observer ce qui suit : la ville presque toute entière est située au sud du chemin de fer, et est désintéressée dans la question, attendu que les passages approuvés aux points kilométriques 36,508 et 36,673 maintiennent, sans allongement, les communications avec le lavoir, l'étang, l'abattoir ; les propriétaires de quelques maisons situées au nord du chemin de fer dans l'emplacement de l'ancien château ont seuls intérêt au maintien de la rue dite du château : elle est traversée par le chemin de fer en déblai de 0m86, elle est bordée de maisons, et fortement pentée [sic], ces trois circonstances ne permettent d'établir ni un passage sur rails dont les rampes aux abords obstrueraient l'entrée d'un grand nombre de maisons, ni un passage à niveau dans les conditions ordinaires, sans gêner l'entrée de beaucoup de maisons par des déblais de plus d'un mètre de profondeur.
Suivant les projets approuvés, la rue du château est raccordée au passage inférieur par un escalier, les voitures et les bêtes de somme qui ont à traverser le chemin de fer doivent descendre jusqu'au bord de l'étang, et remonter ensuite la rue du lavoir pour venir par les chemins existants passer sous le chemin de fer, au point kilométrique 36,508. Cette situation paraît à ces ingénieurs susceptibles d'être améliorée par l'établissement d'un passage à niveau de 1m50 de largeur, à la rencontre de la rue du château, pour les piétons et les animaux : le service en serait confié au gardien de la barrière approuvée au point kilométrique 36,673.
Avis de l'ingénieur en chef du contrôle
Le projet de suppression de la rue du Château a été soumis à l'enquête réglementaire du titre II de la loi du 3 mai 1841. Les intéressés ont pu en prendre connaissance, et c'est à tort qu'ils paraissent prétendre avoir été surpris. Cette rue n'a pas l'importance qu'on semble vouloir lui attribuer. Elle est en effet sans intérêt pour la presque totalité de la ville de Lussac qui est située au sud du chemin de fer, et dont les communications avec le lavoir, l'étang et l'abattoir sont très convenablement maintenus par les deux passages approuvés. Elle n'est même pas indispensable aux habitants des quelques maisons situées au nord car, sans trop grand allongement, ils peuvent atteindre les mêmes passages, en suivant les voies existantes, ou en faisant usage d'un escalier projeté par la Compagnie aux abords du passage inférieur. Ces directions, à la vérité, obligent à monter et à descendre sans utilité, et pour cette partie de la ville la conservation de la rue du château serait tout au moins commode. Mais les lignes bleues des profils indiquent qu'un passage à niveau ordinaire ne serait possible qu'en opérant des déblais assez profonds pour gêner l'accès de beaucoup de maisons ; les mêmes profils montrent qu'un passage supérieur serait encore moins praticable.
On ne pourrait facilement établir sur ce point qu'un passage à niveau pour piétons et bêtes de sommes ainsi que le propose la Compagnie. Cette solution nous paraît donner une satisfaction suffisante aux intérêts de second ordre engagés dans la question.
En conséquence, nous sommes d'avis qu'il y a lieu de prescrire l'établissement d'un passage à niveau de 1m50 d'ouverture sur la rue du château pour piétons et bêtes de sommes et d'autoriser la Compagnie à en confier la surveillance au gardien du passage à niveau approuvé au point kilométrique 36,673.
Poitiers, le 4 mai 1866
L'ingénieur en chef en contrôle.
Signé Maupain. "